Burnout vs dépression : comprendre les différences et prévenir les risques au travail

23 janvier 2024 par
Estelle Schmaltz

L'Organisation Mondiale de la Santé classe le burnout dans sa dernière révision de la classification internationale des maladies, soulignant qu'il ne doit pas être confondu avec d'autres aspects de la vie. Il est défini comme un syndrome d'épuisement professionnel regroupant des signes cliniques et symptômes qui émergent progressivement chez l'individu, sans référence explicite à un élément causal dans sa définition. En contraste, la dépression présente un tableau clinique défini dans les classifications médicales. Cependant, dans l'esprit collectif, ces amalgames affaiblissent la compréhension de leurs causes, impacts, contours et traitement.

Les deux troubles touchent la santé mentale et sont perçus dans les milieux professionnels comme résultant d’une responsabilité individuelle et/ou organisationnelle selon les points de vue. Quoiqu’il en soit, la santé mentale devient aujourd’hui une cause dominante des arrêts de travail et l’on comprend alors aisément les conséquences que cela peut avoir au niveau individuel et organisationnel.


Burnout vs Dépression : quelles différences ?


Les troubles dépressifs sont caractérisés par une tristesse suffisamment sévère ou persistante pour perturber le fonctionnement quotidien et souvent par une diminution de l'intérêt ou du plaisir procurés par les activités et une image soi réductrice.

Le burnout, lui, se traduit par un épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d'un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel. Dans les cas les plus extrêmes, le travailleur peut se trouver dans l’incapacité de poursuivre son activité de travail. 

Il se traduit alors à la fois par une érosion  :

  • de l’engagement (en réaction à l’épuisement)
  • des sentiments (à mesure que le cynisme s’installe) 
  • de l’adéquation entre le poste et le professionnel (vécue comme une crise personnelle)

Plus précisément, ce qui distingue majoritairement le burnout de la dépression pour ce qui nous concerne, est la question de la motivation/énergie. Un professionnel en burnout est disposé à travailler mais n’en n’aura pas l’énergie. Une personne souffrant de dépression a l’énergie mais pas l’envie. L’origine du burnout, selon Marie Pezé se situe dans le « mal travailler », cette contrainte à faire ce que l’on estime être « du mauvais boulot quand les conditions et l’organisation du travail nous en empêche». Et la pandémie qui nous a touché est venue mettre en lumière, le sens de notre travail. Et quoiqu’il en soit, le burnout reste bien la maladie d’un système, dont le malade est un symptôme de quelque chose qui dysfonctionne.

Se profilent déjà dans ces définitions, les similitudes. 
Le burnout et la dépression sont pourtant deux troubles distincts, bien que leurs symptômes puissent parfois se chevaucher et malgré des similitudes, c’est dans les causes, symptômes et traitement qu’on peut essayer de dégager les similitudes.


Les symptômes communs


Les symptômes du burnout sont souvent liés spécifiquement au contexte professionnel bien qu’ils touchent l’individu. La dépression, quant à elle, implique généralement des symptômes plus larges encore.

Les symptômes se rejoignent néanmoins sur :  

  1. L’épuisement émotionnel
  2. Une diminution de la performance : des difficultés à se concentrer, à prendre des décisions, amoindrissant la productivité
  3. Des changements dans les habitudes de sommeil et d'appétit
  4. Un retrait social : éviter ainsi le lien social sonne à un moment donné, comme une protection nécessaire
  5. Un changement d’humeur soudain qui peut se traduire par une irritabilité 
  6. Un sentiment de perte de contrôle sur sa vie, ses émotions et son environnement.
  7. Une baisse de l'estime de soi : Les individus touchés peuvent éprouver une diminution de l'estime de soi, des sentiments de dévalorisation et une perception négative de soi-même.
  8. Des problèmes de concentration et de prise de décision
  9. Une perte d'intérêt : Tant dans la dépression que dans le burnout, on observe souvent une perte d'intérêt pour les activités habituellement plaisantes.

Les causes


Lorsque l’on parle de facteurs de risques, du côté du burnout on parle de  facteurs, tels que le surmenage, la pression au travail, le manque de soutien, et un sentiment d'épuisement émotionnel. Et c'est bien la conséquence d’un stress chronique dans le contexte professionnel.

Pour ce qui est de la dépression, facteurs génétiques, biochimiques, psychologiques, sociaux ou environnementaux s’invitent également à table. Elle peut survenir indépendamment du contexte professionnel en même temps que ce dernier peut venir influencer la vie privée. Cet entremêlement rend la compréhension délicate et parmi les facteurs qui se rejoignent, on retrouve :

  1. Un environnement de travail hostile : Des relations interpersonnelles difficiles, du harcèlement moral, ou un climat organisationnel négatif qui peuvent influencer la santé mentale.
  2. Un manque de contrôle : L'impression de ne pas avoir de contrôle sur son travail ou sur les décisions peut être un facteur déclencheur de la dépression.
  3. Un sentiment d’inéquité au travail : Le traitement injuste, les discriminations ou les injustices perçues au travail peuvent avoir un impact sur le bien-être émotionnel.
  4. L’isolement social : Un manque de soutien social au travail, la solitude professionnelle, ou le sentiment d'être mis à l'écart peuvent être des facteurs de risque. 
  5. Insatisfaction professionnelle profonde : Si les aspects fondamentaux du travail ne correspondent pas aux attentes ou aux valeurs personnelles, cela peut contribuer à la dépression.

Du fait de ces similitudes et différences, devant la multiplicité des variables, la question du traitement ne déroge pas à la règle. 

Le traitement du burnout implique souvent des changements organisationnels, des ajustements dans la gestion du travail, la mise en place de limites et de stratégies de gestion du stress, un travail également pour le professionnel sur son engagement et implication.

La dépression et/ou le burnout peuvent être traités par une combinaison de psychothérapie, de médicaments antidépresseurs, et de modifications des habitudes (personnelles et professionnelles) de vie. Le traitement de la dépression peut être plus orienté vers des interventions individuelles et médicales.

En résumé, bien que le burnout et la dépression partagent des similitudes, ils diffèrent dans leurs causes, leurs symptômes et leur traitement. 

Il est crucial de reconnaître ces distinctions pour permettre une intervention appropriée et ciblée, que ce soit au niveau individuel ou organisationnel.

Là où la dépression reste dans l’esprit de tout un chacun cloisonnée à la sphère privée, on entend bien souvent, en tant que psychologue du travail que l’entreprise n’est pas responsable du traitement de toutes les difficultés de ses professionnels, voire même parfois que les questions d’ordre privées doivent rester devant la porte. Cette scission entre vie privée et vie professionnelle n’est plus et pour cause, il n’est aucun bouton on/off sur l’humain qui permette la déconnexion pure et simple. 


Burnout et dépression dans l’environnement professionnel


Ce qui les rejoint le burnout et la dépression dans l’environnement professionnel est surtout l’idée que l’on parle ici de santé mentale. La dépression et le burnout peuvent relever de la responsabilité de l'entreprise de plusieurs manières, étant donné que le milieu professionnel peut exercer une influence significative sur la santé mentale des employés. 

Il est primordial de prendre en compte le professionnel dans sa globalité plutôt que de le considérer de manière compartimentée entre vie privée et vie professionnelle. Les facteurs de risques du burnout, bien connus aujourd’hui peuvent venir influencer un terrain propice à la dépression, tout comme la vie privée et ses aléas peut venir influer un burnout, cet investissement émotionnel qui le définit. 

C’est bien cet investissement émotionnel dont il est question ici, qui amène tout un chacun à poser la question de l’individualité du burnout. Il est considéré par certains comme une pathologie individuelle, personnelle, comme une faiblesse contre laquelle, les concernés se battent « puisque d’autres tiennent ». Ainsi, rattaché à une forme de « faiblesse », la discrétion des professionnels est de mise et les difficultés restent peu visibles. Le burnout se nourrit d’un terreau dans lequel de nombreux leviers organisationnels sont actionnables. Et comme il en a été question précédemment, la dépression, cette maladie peut être plus « individuelle » vient aussi se nourrir au sein de l’environnement professionnel et l’implication du contexte professionnel est aussi à prendre en compte. Non pas seulement dans un objectif de prendre soin du professionnel concerné mais aussi et surtout de prendre soin du travail et de son environnement avec tous les avantages que cela peut représenter.

En somme, le stress chronique, la surcharge de travail et le manque de soutien créent un environnement professionnel défavorable qui peut affecter la santé mentale et ainsi la santé d’un professionnel souffrant de dépression, comme la dépression peut venir trouver dans la sphère professionnelle de quoi s’alimenter.

La prévention et la gestion de la santé mentale impliquent souvent la mise en place de stratégies organisationnelles, telles que la promotion du bien-être au travail, la reconnaissance des employés, la gestion du stress, et le développement d'un climat organisationnel positif et inclusif. Ainsi, que l’on parle de dépression, distinguée ou faisant partie intégrante du burnout, ces stratégies viennent déployer tous leurs bienfaits individuels et organisationnels.


Estelle Schmaltz 23 janvier 2024
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