Stress, burnout et fatigue de compassion… Quand le monde du travail rencontre les souffrances psychiques
S’il a fallu de nombreuses années pour en admettre l’existence, le stress professionnel fait aujourd’hui partie des pathologies reconnues par la majorité des dirigeants d’entreprise. Ceux-ci inscrivent peu à peu des actions dans leur gouvernance, si ce n’est pour prévenir, tout au moins pour juguler les effets du stress sur leurs collaborateurs et sur la rentabilité de leur structure.
Un coût non négligeable
Rappelons en effet que, selon l’INRS, le coût du stress en entreprise se chiffrait il y a dix ans en France à plus de trois milliards d’euros et que celui-ci ne cesse de grimper d’année en année. Ces conséquences financières sont impressionnantes et entraînent les entreprises sur une pente glissante où les dérapages, économiques comme humains, deviennent monnaie courante. Les disfonctionnements se multiplient face à une fatigue qui se chronicise et alimentent ainsi le cercle vicieux d’un stress de plus en plus intense. Heureusement, cette première prise de conscience a permis l’émergence d’initiatives de prévention secondaire, telles que la mise en place d’ateliers de gestion du stress ou des réflexions autour de la résilience professionnelle.
Bruler de l’intérieur
Une autre problématique intrinsèquement liée au stress, qui a émergé pour la première fois dans les années 1960, prend aujourd’hui de plus en plus de place dans le paysage professionnel. Il s’agit du désormais célèbre burnout, connu également sous le terme d’épuisement professionnel. Aborder le burnout, c’est d’abord se rendre compte que ce concept est très souvent mal compris par la majorité des travailleurs et des décideurs et, par extension, très régulièrement usité à mauvais escient. Non, on ne déclare pas un burnout en se cassant un ongle. Non, le burnout n’est pas un caprice de diva qui refuse de faire face à une charge de travail dérangeante. Non, le burnout n’est pas une pathologie de petites natures. Non, il ne suffit pas d’une volonté de fer / de faire pour lui échapper. Cet épuisement physique, émotionnel et cognitif extrême lié au travail plonge ses racines dans l’énergie de vie de l’individu qui brule littéralement de l’intérieur. Si la façade qu’il livre au monde garde une apparence de bonne santé, son psychisme s’est écroulé sur lui-même tel un château de cartes, déclenchant un tsunami émotionnel et le blocage total des fonctionnalités du corps. Quand le burnout se déploie, ce n’est pas l’esprit qui se délite mais bien le corps qui dit merde, arrêtant de fonctionner et posant sa démission. Refus d’avancer et de reculer. Abandon de poste. L’individu est phagocyté par une force qui le dépasse et le cloue au pilori.
Le burnout apparaît justement lorsque le collaborateur a investi une partie de lui-même plus importante que ce qu’il aurait fallu. Les candidats au burnout font souvent état d’un niveau significatif d’implication au travail, de valeurs humaines fortes et d’une propension élevée à assumer une charge mentale envahissante, cherchant à en assumer plus que de raison. Des travailleurs idéaux, n’est-il pas ? Du moins, à court terme…
Mon travail ? Prendre soin de l’autre !
Le cas des professions de soin mais aussi de tous les métiers où il s’agit de faire face aux problèmes d’autrui mérite à lui seul une mise en lumière particulière. Ces métiers rassemblent des collaborateurs dont la tâche principale est d’assurer une réponse pertinente, professionnelle et bienveillante aux problématiques posées par des clients, des patients, des collègues en souffrance. Il peut s’agir de l’infirmière en réanimation qui pose des gestes pour atténuer la souffrance des malades et qui accompagne la détresse des proches. Il peut s’agir de l’assistant social qui prend en charge le support des familles en grande précarité ou des enfants victimes de leurs parents. Il peut s’agir du pompier urgentiste qui sauve des vies lors d’incendies ou de carambolages. Mais il s’agit aussi du HR Business Partner confronté aux plaintes des chefs d’équipe démunis ou au mal-être de travailleurs face à la digitalisation qui menace leur emploi. Il s’agit aussi du travailleur désigné qui n’est sollicité que quand les choses vont mal et dont les recommandations sont ignorées…
Toutes ces professions font face à ce que l’on appelle une fatigue de compassion. A force d’aider et d’apporter un support qualitatif à d’autres êtres humains, ces collaborateurs s’exposent à un risque accru de déclencher cette catégorie spécifique de burnout. En puisant dans leurs réserves pour bien entourer autrui, ils développent une urticaire émotionnelle les plongeant dans la détresse, le rejet de l’autre et un cynisme contagieux. Même le chat innocent qui miaule pour réclamer ses croquettes quand vous rentrez du travail devient source d’irritation (le terme « chat » pouvant bien entendu être remplacé par enfants, conjoint, parents… Notez alors de remplacer également le terme « croquettes »). Cette fatigue de compassion s’avère encore plus destructrice que le « burnout classique » car elle vient malmener en profondeur l’essence même du choix professionnel et peut, le cas échéant, conduire à la destruction psychique de l’individu, voire à son suicide.
Tout n’est pas perdu
Ce sombre état des lieux ne doit pourtant pas nous décourager de mener une croisade pour préserver la santé physique et mentale au travail. Des solutions existent et la responsabilité de chacun est à présent engagée. Ce sont ces pistes de solutions que nous aborderons ensemble tout au long de ce cycle rédactionnel de développement.